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Vendredis du cinéma !
8 mars 2019 / 19 h 00 min - 23 h 30 min
Bonjour à tous !
Les vendredis du cinéma reprennent, sous la direction de Michel Mathurin, au Café du village à partir de ce 8 mars 2019 !
Pour ouvrir cette nouvelle saison de documentaires, fictions, cinéma indépendant et de patins et de couffins, nous vous proposons pour cette première le film Sillon Sillages de Paul Champart dont voici le synopsis :
Descendant de la Loire, remontant le temps, le film évoque l’univers musical et humain de Gérard Pierron sous la forme originale d’un river movie. Gérard Pierron, connu comme mélodiste, interprète engagé, est révélé ici comme un passeur. Le passeur d’une communauté d’auteurs authentiques, d’une poésie paysanne et marine, d’un mode de vie post-capitaliste, nourri d’un bon sens populaire où la nature et l’homme sont réconciliés.
« Un homme qui ignore son passé n’a pas d’avenir. » Gérard Pierron
Comme d’habitude, repas-apéritif du cinéma entre 19h et 21h ; à 21h, début de la séance !
Tous nos évènements restent en libre participation financière, – mais cela, vous le saviez déjà.
À bien vite !
(Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage, une explication plus longue du réalisateur à la suite de la photo)
J’ai croisé plusieurs fois Gérard Pierron l’an dernier : d’abord pour les besoins d’un livre – Allain Leprest / Gens que j’aime – puis, le temps passant, uniquement pour le plaisir… Chez lui, contrairement à d’autres artistes, il n’y a aucune contradiction entre le créateur et l’homme : ils ne font qu’un, en tous points conformes à l’image (humaniste et attachante) véhiculée par l’œuvre. Durant ces séances de travail-parties de plaisir, il m’est arrivé de croiser un jeune homme, du même âge que moi (c’est-à-dire plus si jeune, tout compte fait…), gravitant lui aussi autour de Pierron. Renseignement pris : il s’appelait Paul Champart. Déjà auteur d’un documentaire sur la violoncelliste Emilia Baranowska (disponible aux éditions L’Harmattan), il préparait cette fois un film sur le mélodiste des « Mangeux d’terre », des « Filles de la Loère » ou de « La Chanson d’escale ». Juste retour des choses : puisque les musiques de Gérard Pierron avaient été de magnifiques passeuses, faisant découvrir aux auditeurs des années 70-90 les poètes Gaston Couté, Emile Joulain et Louis Brauquier (entre autres) – il était normal que les nouvelles générations s’emparent de son œuvre et la transmettent à leur tour aux années 2000.
Les quelques séquences à peine montées que j’ai eu alors la chance de découvrir en avant-première, donnaient une belle idée du film à venir. Après visionnage intégral, le 23 mai dernier, dans un Forum Léo Ferré en liesse – où le film a été diffusé après le concert de Gérard, soit trois heures de beaux textes, belle musique, belles images, pour un prix dérisoire – l’impression se confirme. Plus qu’un documentaire qui reviendrait sur les moments-clés de son parcours, ce film esquisse une balade rêveuse, flânerie poétique à travers une œuvre qui ne l’est pas moins.
Sillons sillages évite les voies sagement balisées de l’entretien-illustré-d’extraits-significatifs, pour emprunter des chemins de traverse. Il redescend cette Loire si souvent évoquée au fil des chansons, ponctuant le voyage d’étapes significatives – un village de caractère, une famille aimante, une répétition avec des amis musiciens – avant de boucler la boucle en rejoignant la mer (où tout avait commencé, par une évocation du périple fondateur sur un Terre-Neuvas en 1969). Chaque étape est liée, en quelques mots simples – mais rigoureusement choisis – à une ambiance, un parti pris esthétique, voire politique : c’est que sous ses airs de paysan bonhomme autoproclamé artiste naïf, le « gâs qu’a bien tourné » (pour paraphraser Couté) est un esthète doublé d’un militant (tendance rouge-brique-anar) de la douceur de vivre. Ses propos sur les vertus contestataires de la ruralité, l’attachement à un terroir qui meurt mais ne se rend pas (et « n’empêche pas de se sentir citoyen du monde »), font mouche. Et lorsque une chorale d’hommes et femmes de tous âges entonne « La Paysanne » de Couté – cette Marseillaise populaire que l’on rêverait de substituer à l’officielle – c’est à la fois émouvant ET engagé.
Le film est bercé par une dizaine de chansons, parmi les plus marquantes composées par Pierron. Pour éviter le piège du « best-of », chacune est mise en scène dans des conditions originales : que ce soit une simple répétition dans l’arrière-salle d’un cabaret – où Gérard, tout en donnant l’impression d’être un autodidacte complet (« mélodiste naïf » dit-il modestement – certains autoproclamés « compositeurs savants » devraient en prendre de la graine) mène rondement sa barque et suggère ses envies d’arrangements bien plus qu’il ne les impose – ou un bœuf improvisé dans un port (avec outils métalliques changés en instruments) au pied des bateaux un petit matin… les mises en situation sont à chaque fois rêveuses et contemplatives, captant le beau rapport existant entre Gérard Pierron et le paysage qui l’entoure (et l’inspire).
On voit ainsi s’incarner les lieux ayant nourri son imaginaire artistique – lui qui n’écrit pas de poésie (malgré un contre-exemple ici : « Chanson du repêché dans la rivière de Loire », 1981) mais en injecte dans tout ce qu’il chante. Les paysages qu’il arpente – régions riches de tant de beautés singulières, que les simplifications administratives ne parviendront jamais à banaliser – et la ruralité qu’il exalte parviennent à être à contre-courant sans paraître réac’ ou passéistes. Il y a ces séquences amicales captées dans son village des Rairies, où certaines aires de jeu (« la boule de fort, monsieur, c’est une idée qui roule »!) ont des allures de chapelle ouvrière. On retrouve aussi des gens qui nous sont étrangement familiers… comme dans cette belle scène, chez lui, où ses enfants (qui lui ressemblent – ses fils en particulier – de façon troublante), après avoir rendu hommage à son talent de mélodiste, prennent un instrument pour donner à entendre leur propre musicalité. Ces mômes que l’on a déjà croisés ici et là sur des sillons de disques – dans la chorale du « Terre Neuvas des foins » (2003) par exemple – quel bonheur de les voir entrer aujourd’hui dans la carrière, main dans la main avec leur père qui parachève la sienne.
Même si tout est rigoureusement concerté, Paul Champart et son scénariste Laurent Roth font preuve de tant de légèreté dans leur approche, qu’on a l’impression d’assister à quelque chose de très naturel. Ainsi, cette mémorable séquence de « Mangeons des fruits ma caravelle » (1990, poème de Louis Brauquier), filmée un petit matin avec Patrick Reboud, Marie Mazille et Yves Perrin (réminiscence : c’est précisément ce passage qui m’avait été donné à voir, pas encore étalonné, en avant-première quelques mois auparavant) : les musiciens investissent un lieu pour le moins exotique (port marchand) comme s’il s’agissait d’une salle de concert. Il y a un côté « prise unique » : on sait que le jour se lève, que l’on va tourner dans la continuité, que la magie dépendra à parts égales du talent des musiciens et des variations de la lumière naturelle… Dans ce décor étrange et familier, une intimité se crée, et l’on capte la complicité qui s’instaure entre les artistes, à mesure que le soleil arrive. Les doigts engourdis se dégèlent à la chaleur de la voix du chanteur. Ils tâtonnent, viennent à bout de leurs hésitations pour trouver l’arrangement qui exprimera le mieux les sortilèges de la mélodie – et ramènera la poésie dans ses filets.
Inévitablement, le film revient aussi sur Allain Leprest, que Pierron a contribué à révéler – en suggérant son nom aux organisateurs du Printemps de Bourges 1985, après l’avoir découvert dans un cabaret parisien à moitié vide. Paradoxalement, alors qu’on attendait beaucoup de ces séquences, c’est le seul moment où le film perd (un peu) le Nord : la scène où les habitants des Rairies visionnent l’extrait d’un autre film (Allain Leprest, Chanteur citoyen, de Caroline Bouderlique – que quelqu’un serait bien inspiré de rééditer) semble compassée, voire carrément artificielle. Puisque le poète-chanteur était mort au moment du tournage, le subterfuge consistant à filmer des gens regardant d’anciennes images (où lui et Pierron rient ou chantent ensemble) est une fausse bonne idée : pour une fois on devine la mise en scène en amont. Comme pour Couté ou Brauquier, les propos de Gérard et les textes d’Allain auraient pu suffire. L’aura du poète de Mont-Saint-Aignan est encore si forte – comme lors de cette inauguration d’une rue à son nom, où la plaque commémorative accrochée de travers suffit à évoquer sa trajectoire claudicante – qu’il n’avait pas besoin d’un tel artifice. Mais le film, à part ça, est si réussi, qu’on ne saurait lui en tenir rigueur. Le seul autre petit reproche qu’on pourrait lui adresser concerne sa durée : 1h10, c’est bien court, quand on a tant de belles choses à dire…
[Note : le DVD vient de sortir. Gérard Pierron n’étant pas le roi de la distribution – lors de son dernier concert au Forum Léo Ferré, il s’est présenté avec seulement quatre – quatre ! – CDs à vendre, on conseille d’écrire à cette adresse pour se le procurer : Association « Le p’tit Chariot », La Sécherie 49460 Montreuil Juigné. jean-pierre.pierron@wanadoo.fr. 18€ + 2€ de port]